Pourquoi un nouveau contrat ? Les constats à l’origine du CEJ

Le contexte qui a poussé à la création du CEJ est clair. En 2021, selon l’Insee, le taux de chômage des 15-24 ans en France est de 18,3% [Insee, 2022]. Dans le Val-d’Oise, l’une des populations jeunes les plus importantes d’Île-de-France (près de 22% de la population a moins de 25 ans selon le Conseil départemental), la mission locale joue un rôle central.

Les dispositifs précédents – Garantie Jeunes, CIVIS, PACEA – ont permis des avancées. Mais plusieurs limites ont été pointées :

  • Un parcours souvent jugé linéaire, peu individualisé
  • Des montants d’aide financière discutés et parfois inadaptés à la réalité locale
  • Un pilotage peu lisible pour les partenaires et les jeunes
  • La multiplicité des dispositifs rendant l’offre illisible

Le CEJ est né d’une volonté de simplification et de personnalisation, avec des moyens renforcés.

Un passage du “suivi classique” à un accompagnement intensif et sur-mesure

Le premier point de rupture, c’est l’intensité et la forme de l’accompagnement. Oubliez l’accompagnement “au fil de l’eau”. Le CEJ repose sur des engagements réciproques, formalisés dès le début.

Avant (CIVIS, PACEA, Garantie Jeunes) Avec le CEJ
Intensité 1 rendez-vous/mois parfois, ateliers collectifs ponctuels 15 à 20h/semaine d’actions : ateliers, stages, immersions, chantiers, coaching individuel
Durée 2 ans max (CIVIS), 1 an (Garantie Jeunes) De 6 à 12 mois, renouvelable selon la situation
Nombre de jeunes par conseiller Jusqu’à 100/120 40 à 50 jeunes par conseiller référent

Pour les jeunes du Val-d’Oise, cela s’est traduit par une réalité concrète : plus de rendez-vous, un suivi régulier, et surtout, un vrai dialogue sur le projet de chacun. Cette intensité est, selon une étude de la DARES de 2023, un élément clé du retour à l’emploi ou à la formation rapide.

En 2022, sur les 4200 jeunes suivis par les missions locales du Val-d’Oise en CEJ (source : Missions Locales IDF), 72% ont bénéficié de plus de 4 rendez-vous individuels par mois – un rythme inconnu avec les précédents dispositifs.

Une allocation repensée et élargie

La question de l’allocation a souvent été au cœur des attentes. Le CEJ propose une allocation allant jusqu’à 520 € par mois. Ce montant est supérieur à celui de la Garantie Jeunes (maximum 497,50 € en 2021) et s’inscrit dans une logique plus inclusive :

  • L’accès à l’allocation n’est plus réservé qu’aux jeunes en précarité extrême : il est possible pour tous, sous condition de ressources.
  • Depuis fin 2022, les jeunes apprentis ou salariés à temps très partiel peuvent la percevoir sous certaines conditions, alors que la Garantie Jeunes était exclusive dans ses critères.
  • L’allocation est maintenue en cas d’entrée en formation, ce qui n’était pas systématiquement le cas auparavant.

Dans le Val-d’Oise, selon la Mission Locale d’Argenteuil, près de 42% des jeunes CEJ perçoivent l’allocation, signe de son impact réel sur les parcours d’émancipation.

L’approche “à la carte” : priorité aux solutions concrètes et locales

Autre élément différenciant : le CEJ ne propose plus un seul parcours-type. Chaque jeune construit, avec son conseiller, un “parcours emploi-intégration” composé sur-mesure à partir d’outils disponibles localement :

  • Stages en entreprise ou “périodes de mise en situation professionnelle” (PMSMP)
  • Formations courtes, certifiantes ou professionnalisantes
  • Actions citoyennes ou bénévolat (ex : chantiers jeunes avec la Ville de Gonesse)
  • Rencontres avec entrepreneurs du Val-d’Oise via le réseau “Déclics Locaux” et la Chambre de Métiers
  • Ateliers santé, mobilité, numérique

Cette adaptation répond à une nécessité : celle d’intégrer la réalité des bassins d’emploi valdoisiens, articulant dispositifs régionaux (ex : Parcours Tremplin IDF) et initiatives associatives.

Des partenaires territoriaux plus impliqués

Le CEJ a renforcé la coordination avec les acteurs locaux, publics comme privés : Pôle emploi, centres de formation, collectivités, associations et entreprises. Plusieurs innovations concrètes dans le Val-d’Oise :

  • Le forum “Déclics pour l’emploi” à Cergy a réuni en novembre 2023 plus de 60 partenaires, spécifiquement autour du CEJ, pour faciliter l’accès à des offres d’emploi adaptées
  • L’expérience-pilote “Révèle ton talent”, avec le Secours Catholique et la Mission Locale Sannois, propose des ateliers d’empowerment, cofinancés par la CAF, pour lever les freins sociaux ou psychologiques
  • Des référents santé-mobilité sont intégrés dans chaque équipe des sites Mission Locale du Val-d’Oise nord et est

Résultat : une fluidité améliorée entre l’accompagnement en mission locale et l’accès aux dispositifs d’aide au logement, santé, mobilité, etc. La lutte contre le non-recours progresse : +13% de jeunes “invisibles” sont entrés dans un parcours CEJ en 2023 par rapport à 2021 (DARES, 2023).

Le CEJ : pour qui, et avec quels impacts dans le Val-d’Oise ?

Élargir la cible

Le CEJ s’adresse à un public plus vaste que la Garantie Jeunes : tout jeune de 16 à 25 ans ni en emploi, ni en formation ni en étude (NEET). Cette ouverture a permis dans le Val-d’Oise d’accueillir en CEJ plus de 4700 jeunes en 2023 (contre 3500 en Garantie Jeunes en 2019 – chiffres ML IDF).

Des premiers résultats mesurables

  • Sorties positives : En 2023, 56% des jeunes CEJ du Val-d’Oise ont accédé à un emploi ou une formation dans les 6 mois (contre 48% sous Garantie Jeunes selon Dares, 2020)
  • Diminution du décrochage : Taux d’abandon du CEJ dans le Val-d’Oise : 19% (contre 28% dans les anciens dispositifs, selon l’UNML)
  • Accompagnement des profils éloignés : Près de 36% des bénéficiaires CEJ sont sans diplôme (source : Association Régionale des Missions Locales d’IDF, 2023)

Comment les jeunes du Val-d’Oise vivent l’arrivée du CEJ ?

L’un des changements majeurs est le sentiment d’écoute et de proximité. Des chiffres, mais aussi des mots : Sarah, 20 ans, en CEJ à Sarcelles, confie lors d’une rencontre en forum emploi à Montmorency : “Avant j’avais peur d’être jugée, maintenant mon parcours comte vraiment, je sens que je ne suis pas un dossier parmi d’autres“.

Le CEJ, c’est aussi, pour les équipes, une charge plus lourde – mais la conviction d’un dispositif “qui tient ses promesses”, selon un conseiller en mission locale à Argenteuil interrogé en février 2024 par La Lettre M.

Difficultés et limites encore à surmonter

Rien n’est parfait. Les équipes valdoisiennes le signalent : le CEJ demande plus de moyens humains, et certains jeunes ont du mal à maintenir le rythme intensif demandé. Autres défis identifiés :

  • Le logement reste un frein majeur pour les moins de 21 ans isolés
  • La mobilité est difficile dans les intercommunalités mal desservies
  • Le respect des engagements réciproques nécessite un suivi rigoureux, pas toujours évident en cas de forte augmentation d’inscriptions

Des pistes sont à l’étude comme le renforcement des navettes entre quartiers, et des partenariats avec la SNCF et Île-de-France Mobilités.

À retenir sur le CEJ dans le Val-d’Oise : un changement structurel

Le Contrat d’Engagement Jeune n’est pas une “simple réforme” : il bouleverse la façon d’accompagner les jeunes dans le Val-d’Oise. Plus intensif, plus individualisé, plus transparent, il fait la part belle à l’action concrète et à l’ancrage local. Si des ajustements restent nécessaires, l’approche plus humaine et l’élargissement aux jeunes “invisibles” marquent un tournant pour le territoire.

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